Une Histoire de rucher.
Chacun connaît les ruchers implantés, un peu partout dans les friches ou à l’orée des bois et on s’imagine les milliers de travailleuses infatigables qui, du lever du soleil à son coucher, s’en vont, parfois à des kilomètres à la ronde, butiner frénétiquement les fleurs et en collecter le pollen pour nous fabriquer, à l’intérieur de leur habitation l’imminente douceur qu’est le miel.
L’été, il n’est pas recommandé de s’attarder dans les alentours ou les déranger dans leur travail. Seul, est accepté l’apiculteur qui vient les visiter et chouchouter ses petites amies, ses petites élèves. Elles le connaissent bien d’ailleurs. Ce ne sont que des insectes, mais elles savent pourquoi il est là. Elles savent aussi, qu’elles n’ont rien à craindre de lui. Nous les novices, ne soupçonnons pas les sentiments ressentis par ces apiculteurs qui en gestes mesurés presque paternels, apportent leurs soins à ces petites bêtes que l’on ne peut pas qualifier de totalement…inoffensives.
L’hiver, (l’hiver seulement. On en connaît la raison) certains sujets mal intentionnés n’hésitent pas à bousculer les abris que l’on nomme les ruches. Les propriétaires ont quelquefois la désagréable surprise de constater les dégâts causés par ces prédateurs. Des ruches sont renversées, parfois même disparues, car, cela aussi, ça se vole… Quand on connaît la valeur de ces « outils » de travail, on imagine, aisément le préjudice causé par de tels actes.
Dernièrement, une histoire m’a été contée par un apiculteur de la région à qui, il est arrivé une hors du commun. Ce monsieur, comme cela lui arrive de temps en temps, rend visite à son élevage. Le rucher ne se trouvant pas sur le territoire de la commune où il habite, il ne s’y rend pas tous les jours, surtout en hiver.
En arrivant sur place, il manque de tomber à la renverse. Toutes ses ruches sont, non seulement renversées, mais catapultées à plusieurs mètres de leur emplacement habituel. Les pauvres abeilles gisent à même le sol, engourdies par le froid. Il faut dire que cela se passe au mois de janvier et il gèle comme cela est courant en cette saison.
Désemparé par l’inconscience du geste, qu’il ne peut attribuer qu’à des gens dont la méchanceté n’à d’égale que la bêtise, le pauvre homme se met en devoir de replacer ses ruches et rassembler ce qui peut être sauvé. Il rentre chez lui en se posant de multiples questions et désespère d’y apporter une solution.
Il est, cependant, loin de se douter qu’il n’est pas au bout de ses peines. La visite suivante lui apporte la même déconvenue. Les ruches sont, de nouveau, parties en cavale. Le même désordre règne au sein du rucher.
Les ruches avaient de nouveau « volé » à travers du terrain. Cette fois notre homme voit rouge. Il se rend à la gendarmerie pour y conter sa mésaventure. Les gendarmes prêtent une oreille attentive à sa plainte, mais ayant d’autres chats à fouetter, ils ne peuvent se déplacer le jour même. Ne pouvant laisser ses abeilles sans abri, notre apiculteur, se sentant abandonné, reconstruit son cheptel.
Ces faits s’étant déroulés de nuit et par temps de gelée, il n’est pas possible de relever des indices qui pourraient mettre sur la trace des malfaisants. Qu’importe, il décide de mener sa propre enquête. On ne sait jamais, des ombres auraient pu être aperçues malgré l’obscurité. Il doit se rendre à l’évidence, personne n’a rien vu. Des enfants, alors même qu’ils ne sont pas interrogés se défendent bec et ongles « Ce n’est pas nous ! Disent-ils ». On n’en est pas là…
L’enquête n’a évidemment, rien donné et pendant ce temps, les ruches continuaient de « cabrioler » ! Il fallait bien que quelqu’un les aide. Les gendarmes avaient bien posé la question rituelle : Avez-vous des ennemis ? Dans la tête de notre plaignant, l’idée ne l’avait pas effleuré un seul instant. Non il ne se connaissait pas d’ennemis… Six fois ! Oui six fois ! Le fait s’est reproduit ! A en faire une dépression !
Dans le même temps, comme cela se passait en janvier, la chasse est encore ouverte. Quel rapport, me direz-vous ? Eh bien il y en à un …Tout à fait par hasard notre bonhomme vient à parler avec un garde chasse, or, celui-ci lui parle de daims échappés de leur enclos et qui ont été aperçus dans la région. Ils sont au nombre de trois, un mâle accompagné de deux femelles et ces gracieuses petites bêtes ne sont pas incapable de commettre de tels actes. Un matin, alors que s’amorce le dégel, les deux hommes se rendent sur place. Effectivement, des traces sont bien visibles sur le terrain et il s’avère que ce sont des traces de sabots de daims. Poussant leur prospection à travers la propriété, le garde fit remarquer des endroits où les bêtes avaient dormi, que, dans le jargon de la chasse, on appelle des couchettes. Sortant d’un élevage où ils étaient certainement nourris peut-être avec des granulés, prenaient-ils les ruches pour des mangeoires. Si c’est le cas, ils ont dû se demander pourquoi elles étaient fermées. A moins que le mâle eut, tout simplement, éprouvé le besoin de se « faire » les cornes ainsi qu’il en est l’habitude chez tous les ruminants qui s’amusent à taper dans tout ce qui se trouve à portée. Que ce soient des tas de foin, de la terre ou tout simplement, des troncs d’arbres.
Avec le plan de tir réglementant la chasse, il est interdit de tuer les daims. Afin de faire cesser ce cirque ( ?), autorisation fut demandée à la Fédération Départementale de la Chasse d’abattre les prédateurs. Vu l’enjeu, en l’occurrence la destruction de biens privés, une dérogation fut accordée.
Ce à quoi le maire de la commune, qui se trouve être une mairesse, soit écologiste ou, tout simplement, âme sensible, s’opposa énergiquement.
Le problème semble insoluble, à moins de clôturer le terrain avec un treillage suffisamment haut pour éviter l’escalade. Un incident finit par dénouer l’écheveau : un accident survenu à quelques kilomètres de là, entre un chevreuil et un motard, causant de graves blessures à ce dernier, il fallut démontrer à l’opposante de l’abattage des daims, que, en cas d’accident, vu les circonstances, sa responsabilité risquait d’être mise en cause.
Comprenant enfin, que de tels faits ne pouvaient que lui attirer des ennuis, l’élue municipale consent, la mort dans l’âme, à l’organisation d’une battue qui doit sonner l’hallali de ces charmantes petites bêtes. Ses craintes sont telles, qu’elle n’a de cesse que tout cela se termine très rapidement. J’avoue que moi-même, je ne serais pas insensible à cette condamnation( !) Les daims comme les chevreuils sont si gracieux quand on les voit cabrioler. Si cela n’avait pas été si grave, il aurait été sûrement assez amusant de le voir se défouler sur ces projectiles inattendus.
La battue à donc lieu, à la grande satisfaction des chasseurs qui bénéficient ainsi, d’une journée supplémentaire de détente. Deux daims sont tués, le mâle et une femelle, l’autre ayant réussi à passer au travers et disparaître dans la nature.
A partir de ce jour, on peut dire que le calme est revenu au rucher et, du même coup, au domicile de notre apiculteur qui commençait à s’arracher les cheveux. Pour le consoler, la société de chasse à eu la délicatesse de lui réserver une gigue (si pour un sanglier, on dit, un cuissot, le même morceau devient une gigue quand il s’agit d’un chevreuil ou un daim), qu’il a eu le plaisir de déguster en famille.