ARTHUR

 

 

Avant de commencer son histoire, il me faut revenir quelques années en arrière où, à la maternité de Château- Thierry, ce vingt et un Mars mil neuf cent soixante dix sept, après de longues heures d’attente, très douloureuses pour la maman, un beau bébé blond pointait son petit bout de nez et risquait un œil sur le monde qui l’entourait.

Ce beau poupon était en réalité une petite fille adorable qui fut prénommée Sidonie…

Il va sans dire que de ce prénom, on en parlera beaucoup. Il sera souvent associé à l’oie Sidonie de la série télévisée très prisée des petits-enfants.

Quelques décennies plus tard, notre Sidonie est devenue une jeune fille accomplie qui, après de longues études sans fausse note, trouve l’épanouissement dans un emploi en rapport avec celles-ci, ce qui n’est pas toujours le cas.

Le prince charmant arrive, lui aussi, mais ses études ne sont pas terminées et le service militaire (encore d’époque à ce moment là) impose de longs mois d’attente pour les tourtereaux qui finissent par se rejoindre enfin.

Le mariage est prévu pour le neuf Août deux mil trois (l’année si chaude). Une belle noce ! Selon ceux qui ont eu le bonheur d’y assister.

Il y eut d’abord le mariage à la mairie, comme il se doit, suivi du mariage à l’église de la Bonneville, également et qui était transformée en étuve.

Heureusement que Dorothée a su captiver l’assistance (à défaut du bon curé) par sa prestation, faisant oublier quelque peu la chaleur étouffante qui sévissait à ce moment là.

Après le vin d’honneur, très prisé, où chacun était heureux de retrouver des parents, ainsi que des amis que les impératifs de la vie contraignent plus ou moins a en perdre le contact.

Vint ensuite la séance photos très éprouvante surtout pour les messieurs obligatoirement plus vêtus que les dames. Le soleil était sans pitié.

Le repas de noce se déroula selon la formule consacrée suivi du bal où chacun, là aussi, put exercer ses talents dans la bonne humeur. Les yeux apportèrent leur grain de fantaisie. Il y eut des cadeaux plus ou moins fantaisistes. Je devine, n’ayant pas vu.

A un certain moment, arrive un volumineux colis porté par quatre jeunes gens et qui semble peser assez lourd. Il est déposé aux pieds des mariés, très délicatement et là,je crois que si on avait demandé le silence dans la salle, un bruit léger comme un froissement aurait été perçu, venant de l’intérieur de ce mystérieux paquet.

Les mariés se mettent en devoir de défaire les liens qui emprisonnent ce fameux paquet-cadeau et, que découvrent-ils ? Un joli couple de Sidonie (oies) seule l’une d’elles dresse fièrement le cou, tandis que l’autre, très intimidée, reste accroupie au fond du carton.

Il s’avèrera par la suite, que celle des deux oies est un jars qui sera prénommé Arthur, tandis que sa consoeur qui se trouve être une femelle sera baptisée Adrianna.

Que vont devenir les volatiles ?

La question ne se pose même pas : papa Eric et maman Gisèle ont un grand terrain à la Bonneville où divaguent déjà des volatiles. Arthur et Adrianna vont tout naturellement agrandir la famille ailée.

 

Au début, la cohabitation se passe à peu près bien, si ce n’est la petite chienne Epagneul appelée Bora, qui subit l’agressivité d’Arthur (déjà). Les mois passant celle-ci s’aggravant, il s’en prit même à ses maîtres.

Jusque-là, cela passait encore, hormis le fait que ces oiseaux sont très bruyants, pas besoin de chien de garde !

Un jour, lors du deuil de la mamie du marié, alors que l’église de la Bonneville jouxte leur enclos, ils n’ont cessé de jacasser tout au long de la cérémonie. Difficile de les empêcher.

Le plus grave, c’est qu’Arthur ne supportait pas la compagnie des moutons, car avec les volailles, il y avait aussi des moutons. Il les poursuivait et s’il pouvait les attraper, il leur arrachait de grosses poignées de laine.

Il s’en prit aussi aux poules et, s’il pouvait les saisir par le cou, il serrait tant que la malheureuse se débattait et ne la lâchait que lorsque celle-ci demeurait inerte, morte.

Il a fallu prendre une décision, l’affaire devenait trop grave. Conseil fut demandé auprès de ses propriétaires en l’occurrence Jérôme et Sidonie.

Ceux-ci ne pouvaient raisonnablement que donner l’autorisation de sacrifier Arthur qui devenait invivable.

Là je ne peux pas m’étendre sur la façon selon laquelle Arthur est passé de vie à trépas, car je n’en connaît pas les détails. Je me doute cependant que le fait de le plumer a dû être dur pour celui ou celle qui a effectué cette tâche !

Quoiqu’il en soit, Arthur, dont les ardeurs sont calmées à jamais, repose bien au frais dans le congélateur en attendant que quelqu’un se résigne a déguster sa chair, au demeurant succulente.

Adrianna, quant à elle, pendant plusieurs jours, elle a appelé son compagnon à grands cris.

Elle n’a pas, bien sûr, compris ce qui se passait.

     

Arlette DAGNEE  Août 2005