retour

 

LA TUILERIE.

 

Dans la première moitié du xx° siècle, la tuilerie faisait vivre une famille entière comprenant le père, la mère, deux filles et cinq garçons; soit sept personnes au total. Parallèlement au travail de la tuilerie, le ménage faisait valoir quelques arpents de terres sur lesquels poussaient un peu de blé et un peu d'avoine. Une partie était laissée en pâtures qui donnaient le foin destiné a nourrir cinq ou six vaches et trois chevaux l'hiver.

Lorsque le foin était rentré, les filles conduisaient les vaches sur les parcelles libérées pour les nourrir l'été.

Le reste du temps, elles aidaient leur mère aux travaux ménagers quand elles ne participaient pas aux travaux des champs avec les hommes. Cependant, ceux-ci étaient la plupart du temps occupés à l'extraction et au transport des fournitures de la tuilerie.

Hormis la fabrication des tuiles et des briques, celle-ci servait à la cuisson de la pierre à chaux. Cette pierre était extraite sur les hauteurs de SOIZY. Le transport s'effectuait avec un tombereau et les chevaux.

La préparation de la chaux à partir de ces pierres avait lieu une fois l'an, au printemps. Les pierres étaient entassées dans le four sous lequel un feu dégageait une chaleur intense. La cuis-

son durait plusieurs jours. Après .'refroidissement lorsqu'on ouvrait le four on se trouvait en présence de la chaux vive extrêmement corrosive. Cette chaux servait au traitement des vignes contre les maladies, Pour ce faire, les vignerons la diluaient dans une solution d'eau dans laquelle ils avaient fait dissoudre du sulfate de cuivre la veille. La chaux servait a"coller" le sulfate de cuivre sur la feuille de la vigne. Certains vignerons venaient chercher la chaux à la tuilerie alors que d'autres se faisaient livrer à domicile.

Pour la fabrication des briques et des tuiles, on utilisait de la glaise tirée en bordure du bois RIMBAULT, qui était mélangée avec du limon provenant de la limonière.

Cette glaise et ce limon étaient déversés dans la fosse avant d'être abondamment arrosés. C'est alors que les hommes, pieds nus, le pantalon retroussé jusqu'au dessus du genou, descendaient dans la fosse afin de bien malaxer le mélange avec les pieds. Ce qui devait être assez fatigant.

Connaissant les vertus de l'argile ou de la glaise (selon comme on veut l'appeler ), sur les douleurs, il est aisé de penser

qu'ils devaient êtres tranquilles de ce côté-là. Surtout dans

les membres inférieurs .

Quand le mélange était bien homogène, on procédait à la fabrication des briques . Pour ce faire, on les moulait dans une presse avant de les  faire sécher au soleil estival, bien étalées sur la place. Quand elles étaient suffisamment sèches pour être empilées sans courir le risque de les voir collées entr'elles, on les empilait sous les halles  elles attendaient les suivantes. On    recommençait l'opération autant de fois qu'il était nécessaire pour constituer une fournée. Cela durait ainsi une grande partie de l'été. La cuisson avait généralement lieu en automne.

On procédait de la même façon avec les tuiles. Lors du moulage, les manipulant  devaient, à chaque tuile, d'un geste vif, faire ressortir le crochet. Ce qui demandait une certaine expérience.

Une fois .Le moulage terminé-et-le séchage à point, il fallait ranger les briques et les tuiles dans le four.

La cuisson pouvait alors commencer. Cela s'effectuait d'abord à petit feu pendant une semaine. Pour ce faire on manœuvrait une sorte de trappe située au sommet de la cheminée afin d'en réduire le tirage. Cette opération  était possible du sol à l'aide d'une longue tige de fer fixée à l'extrémité de cette trappe.

Pendant les huit premiers jours, le foyer était alimenté avec des bûches de grosseur moyenne et des charbonnettes. Ensuite, pendant trois jours, la cuisson des briques entrait dans sa phase        finale. La trappe était alors déplacée de façon a activer le tirage de la cheminée qui était alors bourrée de fagots à l'aide d'une fourche spéciale munie d'un long manche. Les fagots étaient tou-

jours projetés de la même manière: trois d'un côté, trois de l'autre. Ce, à une cadence telle qu'il était pratiquement impossible d'approcher le foyer à moins de trois mètres. Il va sans dire que l'approvisionnement du feu devait être suivi de façon continue de jour comme de nuit.

Pendant ces journées d'activité, la cheminée crachait une fumée noire, opaque^qu'un vent malin rabattait parfois sur le village.

Dans les habitations environnantes, il n'était alors pas question de songer a ouvrir les fenêtres!

L'hiver les hommes étaient la plupart du temps occupés a couper du bois. Du bois, il en fallait! Des stères! Pour alimenter le four;

Des bûches et aussi des charbonnettes. Et les fagots! Il n'y en avait jamais assez! Les bûcherons

de SOIZY étaient pour cela mis à contribution. Mais alors, attention! Il ne fallait pas qu'ils soient ficelés n'importe comment. Il ne fallait pas amener des"nids de pies". Aucune brindille ne

devait dépasser, afin qu'ils ne s'accrochent entr'eux.

Chaque année,  il fallait aussi pouvoir à l'entretien de la place qui devait être absolument uniforme.

Le sol étant constitué de craie, c'est donc avec ce matériau qu'on effaçait les creux,.provoqués par les intempéries. On allait chercher la craie à la crayère de OYES et on 1'étalait avant de

la damer avec un lourd plateau, pourvu d'un manche en son milieu, appelé dame, demoiselle ou haie.

La tuilerie a cessé de fonctionner vers 1936 ou 1938, je ne sais plus très bien. Le père vieillissant, les garçons, mariés et établis ailleurs dans d'autres activités, sont autant de facteurs qui ont contribué à l'arrêt de son exploitation et ce n'est pas la crise économique des années précédant la guerre de 39/45 qui allait favoriser sa reprise.

Pour utiliser la brique ou la tuile, il aurait fallu que les ouvriers du bâtiment puissent travailler. Or, l'incertitude de l'avenir n'incitait pas les clients a dépenser leur argent sur des bâtisses qui risquaient, comme lors de la guerre de 1914, d'être détruites.

Chacun sait que s'ils voulaient survivre, les artisans devaient se faire embaucher sur des chantiers à vocation militaire comme par exemple la poudrière d'ALLEMANT.

Dans ces entreprises on utilisait plutôt le béton que la brique" c'a allait plus vite.

Après la guerre, les bâtiments de la tuilerie donnaient d'évidents signes de vétusté et les réparations représentaient un gouffre pour les finances du propriétaire qui préféra vendre plutôt

que de tenter quoi que ce soit. Ce qui, d'ailleurs eut été vain la tuilerie ayant cessé toute activité.

Le nouveau propriétaire ne s'est pas embarrassé avec ces bâtiments qui menaçaient ruine. Une partie fut démolie, a commencer par les halles, puis ce fut au tour des granges et enfin le four. A son sujet d'ailleurs je me suis laissée dire qu'il aurait été démonté pour être reconstruit où ? Il serait intéressant de le savoir, car il a fait trop longtemps partie du paysage pour qu'on l'oublie si

vite.

Voici en quelques lignes, l'histoire de la tuilerie de SOIZY AUX BOIS. Du moins le peu de détails que je connaisse. En  attendant de plus amples. Ce qui m'étonnerait, la vie de la tuilerie

étant maintenant bien loin de nous...

 

Arlette DAGNEE ( mars 2002)