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LES RIMBAULT.

 

 

Vers les années trente, comme il était coutume de dire, en réalité entre 1928 et 1935 environ. Les bois Rimbault changèrent de propriétaire et je ne sais pas si c'est en prévision de cette éventualité ou si c'est à la suite de la vente, que ceux-ci furent exploités "à blanc". Tout fut coupé, le taillis comme la futaie. Il ne resta aucun arbre debout.   Personnellement il"ne me reste que le souvenir d'une immense étendue complètement dénudée. Je ne peux décrire que ce que j'ai entendu à ce sujet au fil des années.

Les marchands de bois, comme c'est encore le cas de nos jours, avaient leurs bûcherons attitrés, de même que leurs débardeurs. S'ajoutaient à cela les scieries "volantes", comme on les appelait à l'époque.

En arrivant sur le chantier entrepris, le premier travail de toutes ces équipes était consacré à la construction des abris pour les familles, car tout le monde suivait: femmes et enfants compris.

Les bûcherons montaient des loges  en moellons de terre qui étaient ensuite couvertes en carton goudronné.

Les scieurs de long (c'est-à-dire le personnel des scieries), servaient de planches présentant des défauts, donc impropres', à la vente, pour édifier leurs habitations. Les cotés comme la toiture,

étaient en planches. Certains privilégiés s'offraient le"luxe" d'avoir une toiture en tôles. Parfois le patron avait une roulotte pour lui et sa famille.

Les débardeurs avaient, pour leur part, investis les maisons inoccupées de Soizy pour pouvoir disposer d'écuries pour leurs attelages.

Mis à part les bûcherons, qui étaient pour la plupart originaires de la région, les autres ouvriers, par exemple les scieurs de long venaient des quatre coins de la France. Les débardeurs, quant à eux, étaient venus du Morvan avec leurs attelages de bœufs qui furent bientôt remplacés par des chevaux.

Arrivèrent ensuite des portugais, pionniers d'un long exil qui s'est prolongé au fil des décennies. Quelques années plus tard on vit arriver des yougoslaves dont la spécialité était l'abattage des gros arbres.

Mais revenons au bois Rimbault. Pendant les quatre ou cinq ans que durèrent les travaux d'exploitation, les échos de la vie lntense que menait une population laborieuse, résonnaient jusqu'au fin fond de la forêt.

Tous les membres  des familles étaient occupés à la coupe, les femmes et les enfants( dés que ceux-ci pouvaient soulever un morceau de bois). Il va sans dire que si certains fréquentaient l'école de SOIZY, c'était de façon très irrégulière...

Le bois était classé par catégorie, selon l'usage qui lui était réservé. Il y avait en premier lieu, le bois de mine choisi dans es morceaux les plus droits qui étaient sciés sur une longueur de deux ou trois mètres. Le bois à papier qui était scié dans les morceaux inférieurs c'est-à-dire moins rectilignes la mesure était à aussi de deux mètres. Vient ensuite le bois de chauffage tiré dans les branches avec lesquelles on ne pouvait rien faire d'autre et qui provenaient des têtes de chênes. On faisait aussi beaucoup de charbonnettes qui servaient à la fabrication du charbon de bois.

Les grumes, c'est-à-dire les gros arbres, étaient dirigés vers a scierie installée au bord de la route de MONGIVROUX, aux NOTES précisément. Ils étaient sciés sur place et ne partaient vers leurs destinations^d'utilisation future que sous forme de plots, de planches ou autres gabarits.

Ainsi, pendant quatre ans, la contrée résonna du bruit de la cognée ou du passe-partout que couvrait le commandement des débardeurs activant leurs attelages.

Cette foule de tâcherons était composée de solides gaillards qui n'avaient pas froid aux yeux ! Ils s'accordaient quelque répit le dimanche. Ils en profitaient pour descendre à SOlZY, disputer une coinchée ou une partie de billard dans les cafés-tabacs du village, quand ils ne se rendaient pas à quelque fête ou bal dans les localités environnantes.

 

 

Là, ils se rencontraient avec les habitants du coin. Concernant les parties de cartes, elles étaient souvent animées. La fièvre de la partie à laquelle s'ajoutaient quelques chopines et l'atmosphère dégénérait bien souvent. Les insultes puis les coups volaient bas! Le patron du café sortait tout le monde et le pugilat se poursuivait dans la rue. Ca " pètait " aussi, assez fréquemment dans les bals, pour ides'   raisons, autres, mais toutes aussi obscures...

Il était courant de croiser certains de ces lascars sur le chemin du retour, les vêtements quelque peu en désordre et le visage plus ou moins tuméfié.l ïl valait mieux passer son chemin sans s'attarder. Le quart d'heure n'était pas à la plaisanterie, c'est le moins que l'on puisse dire! Il valait mieux ne pas musarder dans les parages!

Du point de vue familial, les enfants étaient souvent nombreux dans les foyers des bûcherons et les lois sociales n'existaient pas. La paie du chef de famille ne suffisaient pas toujours a subvenir aux besoins delà maisonnée. Les clapiers et les poulaillers des villages environnants apportaient la solution au problème. Des expéditions nocturnes permettaient de renflouer le garde-manger en volailles et en lapins auxquels s'ajoutaient des pommes de terre et autres légumes prélevés dans les potagers.

Que dire de plus au sujet de cette vaste exploitation forestière?

Outre les quelques naissances qui eurent lieu au cœur de la forêt, il n'y eut pas que des contacts négatifs entre les forestiers et les villageois. Il y eut même des amitiés qui se sont nouées. A ma

connaissance, un mariage a été célébré entre une fille de Soizy un ouvrier de la scierie des Notes. Il est possible qu'il y en ai eut d'autres que j'ignore. Difficile de savoir car il n'y plus

guère de personnes pour s'en souvenir.

Je crois que mon histoire va s'achever ici, à moins que je découvre quelqu'élément nouveau, ce qui est peu probable...

Un mot encore concernant la vie familiale de ouvriers du bois: Hormis le, ou les mariages qui ont été contractés entre les itinérants et les locaux, il y eut aussi des naissances à l'ombre des grands arbres des bois Rimbault. Il est aisé de penser que ce fut dans des conditions plutôt précaires(!).

 Arlette DAGNEE ( mars 2002)

 

Les Rimbeault (suite).

 

 

         Parallèlement à l’exploitation forestière il y avait, dans les Rimbeault, des charbonnières destinées, comme leur nom l’indique bien, à la production du charbon de bois. Les charbonniers étaient là pour utiliser les bûches de petit calibre, sans valeur pour l’industrie. Pour ce faire, ils rassemblaient ces bois, que l’on nommait charbonnettes, en des tas d’une hauteur de deux mètres environ et les couvraient de terre bien tassée en laissant toutefois une ouverture sur le dessus, avant d’y mettre le feu. La terre devait tenir lieu « d’étouffoir », c’est-à-dire empêcher les flammes de consumer trop vite le bois. Le feu devait brûler à l’étouffée. Seule la fumée sortait par l’ouverture se trouvant au sommet de l’ensemble bois et terre. La cuisson durait ainsi plusieurs jours. Au bout de ce laps de temps, les ouvriers cassaient la terre pour récupérer le bois transformé en charbon.

 

        Si l’activité forestière y fut intense, autour de 1930, le bois n’était pas le seul exploité, des carrières ont également été créées sur le site. On y extrayait des grès destinés à la fabrication de briques réfractaires.

 

        La roche était dynamitée à plusieurs reprises, une première fois pour l’éclater et ensuite, il fallait renouveler l’opération pour l’amener à une taille propre à être manipulée. Des rails étaient posés afin de descendre des wagonnets dans les excavations provoquées par les coups de mine. Une fois chargés, les wagonnets étaient remontés à l’aide d’un cabestan, sorte de gros câble passé derrière un tronc d’arbre ce qui avait pour effet de démultiplier sa puissance.

 

        La pierre était ensuite acheminée vers l’usine de produits réfractaires située à dix kilomètres de là, par des attelages composés de tombereaux tirés par des chevaux quand ce n’étaient pas des bœufs, très nombreux à l’époque, qui venaient, avec leur propriétaire, tout droit du Morvan.

 

        Tout comme le bois, la pierre nécessitait beaucoup de main d’œuvre. Certains carriers vivaient sur place tout comme les bûcherons et les charbonniers, avec leurs familles, nombreuses, comme cela était souvent le cas dans se temps là. Tous ces enfants, enfin, presque tous, car ils étaient, très jeunes et dès qu’ils avaient assez de forces, occupés à l’exploitation forestière, venaient à l’école de Soizy. Il y avait autant d’enfants dans les bois Rimbeault qu’à Soizy même. Il avait fallu, face à cette surpopulation, doubler le nombre de tables d’écolier. L’institutrice était, elle aussi, sérieusement mise à contribution.

 

        D’autres ouvriers, cependant, venaient des villages environnants. Une cantine avait été installée, à proximité de la scierie, à leur intention.

 

 

2007-01-13  A.D.